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ECHANGE ET VERITE
26 novembre 2015

Oh la terreur!

En transmettant les ordres du Président Richard Nixon de bombardement « massif » du Cambodge en 1969, Henry Kissinger utilisa l’expression: « tout ce qui vole sur tout ce qui bouge ». Alors que Barack Obama mène sa septième guerre contre le monde musulman, depuis que son prix Nobel de la paix lui a été remis, et que François Hollande promet une attaque « impitoyable » sur un pays en ruine, l’hystérie orchestrée et les mensonges nous rendent presque nostalgiques de l’honnêteté meurtrière de Kissinger. En tant que témoin des conséquences humaines de la sauvagerie aérienne — ce qui comprend la décapitation des victimes, leurs organes éparpillés sur les arbres et les champs — je ne suis pas surpris de cette méconnaissance de l’histoire et de la mémoire, une fois encore.

La montée au pouvoir de Pol Pot et de ses Khmers Rouges, qui a beaucoup en commun avec celle de l’état islamique en Irak et en Syrie (ISIS), en est un bon exemple. Eux aussi étaient impitoyablement moyenâgeux et n’étaient au départ qu’une petite secte. Eux aussi étaient le produit d’une apocalypse made in USA, mais à ce moment-là en Asie. Selon Pol Pot, son mouvement consistait en « moins de 5000 guérilleros maigrement armés, hésitants en matière de stratégie, de tactique, de loyauté et de leaders ». Après le passage des bombardiers B-52 de Nixon et Kissinger, lors de « l’opération Menu », le démon ultime de l’Ouest n’en crut pas ses yeux.

Les états-uniens larguèrent l’équivalent de 5 Hiroshima sur la province Cambodgienne entre 1969 et 1973. Ils rasaient village après village, revenant encore pour bombarder les débris et les corps. Les cratères laissaient des colliers de carnages, visibles depuis les airs. La terreur était inimaginable. Un ancien officiel des Khmers Rouges décrivit comment les survivants « s’étaient figés et erraient silencieusement pendant trois ou quatre jours. Terrifiés et à moitié hallucinés, les gens étaient capables de croire tout ce qu’on leur racontait… c’était devenu facile pour les Khmers Rouges de gagner le soutien du peuple ».

Une commission d’investigation gouvernementale Finlandaise a estimé que 600 000 Cambodgiens étaient morts dans la guerre civile qui s’ensuivit, et a décrit le bombardement comme « la première phase d’une décennie de génocide ». Ce que Nixon et Kissinger ont commencé, Pol Pot, leur bénéficiaire, l’a accompli. Sous leurs bombes, les Khmers Rouges devinrent une armée forte de 200 000 personnes.

ISIS a un passé et un présent similaires. Selon la plupart des mesures universitaires, l’invasion de l’Irak de Bush et Blair en 2003 a entraîné la mort d’au moins 700 000 personnes — dans un pays qui n’avait aucun précédent de djihadisme. Les kurdes avaient passé des accords territoriaux et politiques ; les Sunnites et les Chiites présentaient des différences sectaires et de classe, mais étaient en paix ; le mariage intergroupe était commun. Trois ans avant l’invasion, je conduisais à travers l’Irak sans aucune peur, en rencontrant sur la route des gens fiers, par-dessus tout, d’être Irakiens, les héritiers d’une civilisation qui semblait être, pour eux, une présence.

Bush et Blair ont réduit tout cela en miettes. L’Irak est maintenant un foyer du djihadisme. Al Qaida — comme les « djihadistes » de Pol Pot — a saisi l’opportunité fournie par le déferlement de « Choc et d’Effroi » et de la guerre civile qui s’ensuivit. La Syrie « rebelle » offrait des récompenses encore plus importantes, avec les réseaux d’armements de la CIA et des états du golfe, la logistique et l’argent qui passait par la Turquie. L’arrivée de recrues étrangères était inévitable.

ISIS est la progéniture de ceux de Washington, Londres et Paris, qui, en conspirant afin de détruire l’Irak, la Syrie et la Libye, ont commis un crime épique contre l’humanité. Comme Pol Pot et les Khmers Rouges, ISIS est la mutation issue de la terreur Occidentale propagée par une élite impérialiste, pas le moins du monde découragée par les conséquences des actions prises à distance géographiquement et culturellement. Leur culpabilité est tabou dans « nos » sociétés, et leurs complices sont ceux qui suppriment cette vérité critique. Il y a 23 ans, un holocauste a isolé l’Irak, immédiatement après la première guerre du golfe, lorsque les USA et la Grande-Bretagne ont détourné le conseil de sécurité des nations unies et imposé des« sanctions » punitives à la population irakienne — renforçant ironiquement l’autorité domestique de Saddam Hussein. Cela s’apparentait à un siège médiéval.

Presque tout ce qui servait au maintien de tout état moderne fut, dans leur jargon, « bloqué » — de la chlorine, pour rendre potable l’eau, aux stylos d’écoles, en passant par les pièces pour machines à rayons X, les antalgiques communs, et les médicaments pour combattre les cancers auparavant inconnus, nés de la poussière des champs de bataille du Sud, contaminée par l’uranium appauvri. Juste avant Noël 1999, le département du commerce et de l’industrie à Londres restreignit l’exportation de vaccins servant à protéger les enfants Irakiens de la diphtérie et de la fièvre jaune. Kim Howells, sous-secrétaire d’état parlementaire du gouvernement Blair, a expliqué pourquoi, « les vaccins pour enfants », dit-il, « étaient susceptibles d’être utilisés comme armes de destruction massive ».

Ecœuré, Von Sponeck, l’assistant secrétaire général de l’ONU a démissionné de son poste de coordinateur humanitaire de l’ONU en Irak. Son prédécesseur, Denis Halliday, un membre distingué de l’ONU, avait également démissionné. « On m’a ordonné », dit Halliday, « de mettre en place une politique qui correspondait à la définition d’un génocide : une politique délibérée qui a effectivement tué plus d’un million d’individus, enfants et adultes ». Une étude du Fonds des Nations Unies pour l’enfance, l’Unicef, a estimé qu’entre 1991 et 1998, l’apogée du blocus, il y eut 500 000 morts « en excès » d’enfants irakiens de moins de 5 ans. Un reporter TV états-unien rapporta cela à Madeleine Albright, ambassadeur des USA aux Nations Unies, en lui demandant, « le prix en valait-il la peine ? », Albright répondit, « nous pensons que le prix en valait la peine ».

L’an dernier, on pouvait lire à la Une du Guardian ce titre qui n’avait rien d’inhabituel : « Face aux horreurs d’ISIS nous devons agir ». Le « Nous devons agir » est un spectre que l’on ranime, un avertissement de la suppression de la mémoire avisée, des faits, des leçons apprises et des regrets ou de la honte. L’auteur de l’article était Peter Hain, l’ancien ministre des affaires étrangères responsable de l’Irak sous Blair. En 1998, lorsque Denis Halliday révéla l’étendue de la souffrance en Irak, dont le gouvernement Blair était le premier responsable, Hain le fit passer lors du journal du soir de la BBC pour un « défenseur de Saddam ». En 2003, Hain soutint l’invasion de Blair d’un Irak déjà blessé, sur la base de mensonges colossaux. Lors d’une conférence plus récente du parti travailliste, il qualifia l’invasion, en la balayant rapidement, de « problème marginal ».

Voilà que Hain demandait « des frappes aériennes, des drones, de l’équipement militaire et autre soutien »pour ceux « faisant face au génocide » en Irak et en Syrie. Ce qui renforcerait « les impératifs pour une solution politique ». Le jour où fut publié l’article de Hain, Denis Halliday et Hans Von Sponeck étaient venus à Londres pour me voir. Ils n’étaient pas choqués par l’hypocrisie mortifère du politicien, mais déploraient l’absence perpétuelle, presque inexplicable, de diplomatie intelligente visant à négocier un semblant de trêve.

A travers le globe, de l’Irlande du Nord au Népal, ceux qui se considèrent mutuellement comme des terroristes et des hérétiques se sont fait face. Pourquoi pas maintenant en Irak et en Syrie ? Au lieu de cela, nous avons une verbosité insipide et presque sociopathologique déversée par Cameron, Hollande, Obama et leur « coalition des volontaires » prescrivant plus de violence, larguée depuis 10 000 mètres d’altitude, sur des endroits où le sang des précédents conflits n’est toujours pas sec. Ils semblent tellement savourer leurs propres violence et stupidité qu’ils sont prêts à renverser leur seul allié potentiel de valeur, le gouvernement Syrien.

Les seuls ennemis effectifs d’ISIS sont diabolisés par l’Occident — la Syrie, l’ran, le Hezbollah et maintenant la Russie. L’obstacle est la Turquie, une « alliée » et membre de l’OTAN, qui a conspiré avec la CIA, le MI6 et les médiévalistes du Golfe pour fournir du soutien aux « rebelles » syriens, dont ceux que l’on appelle aujourd’hui ISIS. Soutenir la Turquie dans sa vieille ambition de domination régionale en renversant le gouvernement Assad entraine une guerre classique majeure et le démembrement terrifiant d’un des états les plus ethniquement diversifiés du Moyen-Orient.

Une trêve — aussi difficile à négocier et à mettre en place fut-elle — est la seule sortie de ce labyrinthe ; autrement, les atrocités de Paris et de Beyrouth se reproduiront. En plus d’une trêve, les auteurs et superviseurs de la violence au Moyen-Orient — les Américains et les Européens — doivent eux-mêmes se « dé-radicaliser » et faire preuve de bonne volonté envers les communautés musulmanes aliénées, partout, y compris sur leur propres territoires.

Il devrait y avoir une cessation immédiate de tous les envois de matériel de guerre à Israël, et la reconnaissance de l’état Palestinien. Le problème de la Palestine est la plaie ouverte la plus purulente de la région, et la justification la plus citée pour l’avènement de l’extrémisme Islamique. Oussama Ben Laden l’avait exprimé clairement. La Palestine offre aussi de l’espoir. Rendez justice aux palestiniens et vous commencerez à changer le monde qui les entoure.

Il y a plus de 40 ans, le bombardement Nixon-Kissinger du Cambodge libéra un torrent de souffrance dont le pays ne s’est toujours pas remis. La même chose est vraie du crime irakien de Blair et Bush, et des crimes de l’OTAN et de la « coalition » en Libye et en Syrie. Avec un timing impeccable, le dernier livre égocentrique au titre satirique d’Henry Kissinger a été publié, « Ordre Mondial ». Dans une critique servile, Kissinger est décrit comme « un façonneur clé d’un ordre mondial qui est resté stable pendant un quart de siècle ». Allez dire ça au peuple du Cambodge, du Vietnam, du Laos, du Chili, du Timor oriental et à toutes les autres victimes de son « façonnage ». Ce n’est que lorsque « nous » reconnaîtrons les criminels de guerre parmi nous et arrêterons de nier la vérité que le sang pourra commence à sécher.

Source

« Nous avons tiré sur un nombre considérable de personnes et en avons tué beaucoup, et pour autant que je sache, aucune de ces victimes ne représentait une menace établie pour nos forces »… Stanley McChrystal, ex Commandant des forces armées U.S en Afganistan (Propos publiés dans l’hebdomadaire « Época » , Brésil, n° du 12 avril 2010).

 

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